La Parole des Afro-descendantes: entre paternalisme, confiscation et réappropriation

Petit retour sur l’événement du 23 février 2015 en photos  (un grand merci à Harmély pour ces clichés et à Styve pour la vidéo)

Dans le cadre de la Semaine Anticoloniale et Antiraciste, nous avons organisé une conférence-débat, Aux petits joueurs (Paris 19) autour d’OUVRIR LA VOIX. Ouvrir La Voix est un film documentaire Afroféministe, matérialiste et intersectionnel qui s’intéresse aux Afro-descendantes d’Europe francophone. Sa sortie publique est prévue pour l’automne 2015. La journée du 23 février a été rendue possible grâce à l’investissement sur plusieurs semaines de toutes ces merveilleuses personnes:

Cloud Soirée 23:02

Nous commençâmes donc la préparation du lieu ( Aux Petits Joueurs) la veille car il fallait stocker les pâtes à pizza pour le lendemain soir, déposer le matériel technique, etc, etc. Le jour J, nous étions une petite équipe (2 en cuisine ; 4 en salle) pour installer la signalétique, organiser le lieu, faire les tests de projection…

OLV_23022015_Mise en place de la Salle_1OLV_23022015_Mise en place de la Salle_2 Les premiers rangs étaient réservés aux participantes du film sans qui toute cette aventure n’aurait pas pu avoir lieu!

Team Pizza_1

La #TeamPizza

Vint ensuite le moment d’installer la « Table Associative » car étaient aussi invitées des associations/librairies abordant les thématiques qui seraient discutées dans la soirée:

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Plus tard, le stand rayonnait de la présence de toutes ces Afro-descendantes engagées, car il est toujours bon de rappeler que tout est politique, de la lecture au militantisme en passant pas les soirées lesbiennes en non-mixité!

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Notre briefing d’avant ouverture des portes n’avait pas commencé que les premières personnes arrivaient. Si on m’avait dit quelques mois plus tôt qu’une soirée projection-débat Afro-féministe, un lundi soir de février, en France, serait blindée, j’aurai ri aux éclats. Et pourtant, dès 18h15, les premières personnes arrivaient et lors de l’ouverture officielle des portes à 19h, la sièges furent remplis, d’un coup, d’un seul. J’étais médusée. Nous dûmes même refuser du monde, car passé un certain stade, la capacité de la salle pour maintenir une qualité d’écoute et une sécurité en cas de problème avait atteint sa limite. Près d’un mois plus tard, je ne m’en remets toujours pas!

19h05: fin des places assises

19h05: fin des places assises

20h10 : fin de la présentation de la semaine Anticoloniale et Antiraciste par Gisèle de SDC. On approche de la capacité maximale de la salle.

20h10 : fin de la présentation de la semaine Anticoloniale et Antiraciste par Gisèle de SDC. On approche de la capacité maximale de la salle.

Aux alentours de 20h30, nous cesserons les entrées car nous sommes entre 150 et 200 personnes et bien que le bar soit grand, c’est tout de même un peu beaucoup.  Bref, la partie discussion de la soirée avec des intervenantes de choc, appartenant à la constellation Afroféministe belgo-française, peut donc commencer:

et moi-même parlerons pendant une heure de sujets aussi divers que les féminismes, l’intersectionnalité, le racisme de gauche, les identités Afropéennes, les LGBTQIAphobies, les rapports de classe, le validisme (Ici un Storify du live-tweet)

De gche à dte: Mrs Roots. Many Chroniques. Dictat Indignés. #3IsAMagicNumber

De gche à dte: Mrs Roots. Many Chroniques. Dictat Indignés.

De dte à gche: Po Lomami. Ndella Paye. Amandine Gay

De dte à gche: Po Lomami. Ndella Paye. Amandine Gay

Un extrait du documentaire #OuvrirLaVOix

Un extrait du documentaire
#OuvrirLaVoix

Le moment des questions de la salle fut lui aussi très émouvant et enrichissant, même si nous aurions aimé avoir le temps de répondre à toutes les questions, mais les pizzas et le booty shake attendaient, alors ce sera pour une prochaine fois!

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Je n’ai pas de mots pour décrire la joie que fut pour moi cet événement. Ma plus grande fierté restera d’avoir réussi à remplir une pièce d’Afro-descendant.e.s venu.e.s s’exprimer sur les sujets qui les concerne!

Je remercie encore chaleureusement toutes les personnes qui se sont investies, qui se sont déplacées et qui suivent et soutiennent notre travail et nos actions.

Si ce récit en photos vous a laissé sur votre faim, vous pouvez regarder la discussion et les extraits du film ( à 13:32 puis 48:20 puis 1:15:24) ici : http://www.ouvrirlavoixlefilm.fr/

Niafou Is The New Punk™

Image: Ma sista @nonintegre arborant fièrement le slogan « Niafou Is The New Punk » lors du défilé du #8MarsPourToutes 2015, dans le cortège Afroféministe, célébrant le #8MarsDecolonial

(Ce post a vocation à vous expliquer la genèse du slogan "Niafou Is The New Punk", qui est le titre d'un article que j'avais écrit suite à Bandes de Filles et que je souhaitais publier sur Slate, le temps a passé, le film était trop loin et j'ai donc oublié cet article. En ce jour de la Journée Internationale du Droit des Femmes et après cette marche historique -1er cortège Afro-féministe depuis 30 ans à Paris-; il me semble approprié de réexpliquer pourquoi je/nous ne sommes pas des "bonnes Noires" et comment cette affirmation s'articule dans une lutte d'émancipation)

Le film Bandes de Filles a fait ressurgir un débat récurrent au sein de la communauté noire : celui du devoir d’exemplarité. Ce film était très attendu puisqu’il s’agit d’un des premiers films français où les premiers rôles sont tous tenus par des femmes noires. Les jeunes femmes représentées dans le film sont issues de la banlieue, telle que vue par une réalisatrice blanche et parisienne. Si cette dimension a déjà été discutée, j’aimerai m’arrêter sur la réception et les critiques formulées à l’égard de ce film dans notre communauté. En effet, l’appartenance de ces héroïnes à la catégorie péjorativement nommée Niafou, a causé de nombreux débats sur lequel il est important de s’arrêter.

Les « Niafous » ont donc fait leur entrée par la grande porte dans la société blanche française alors qu’elles étaient l’objet d’attaques et autres moqueries depuis déjà un bon moment au sein de la communauté noire. Les exemples les plus marquants de ce type de discours/représentations sont les clips de Mokobé: Rihannon et Beyoncé Coulibaly 

Ou cet article sur les différents « clichés » de femmes noires, ou encore cette phrase « Des poncifs aussi longs que les tissages des protagonistes » écrite par le réalisateur Jamel Zaouche, dont la critique du film Bandes de Filles sur FB a été citée à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux. Toutes ces vannes ont un dénominateur commun : révéler le caractère honteux de l’existence de ces jeunes femmes.

La honte de la «mauvaise» Noire

Je comprends le sentiment de frustration devant une énième mise en scène de la banlieue sous un regard blanc, mais j’ai plus de mal avec la stigmatisation de jeunes femmes issues de quartiers populaires, sous prétexte qu’elles ne donnent pas une bonne image de Nous, les Noir.e.s. Je connais le sentiment de la honte, je ne juge pas les personnes qui le ressentent, je souhaite juste montrer qu’il est contre-productif dans une optique de solidarité communautaire. La honte, la honte, la honte, celle que l’on ressent physiquement quand on nous insulte, quand on nous réduit à des clichés, des stéréotypes. Surtout quand parfois, nous ou les personnes que nous aimons correpsondons à certains de ces stéréotypes. Pour moi, ce fut la honte de mon frère, dont j’ai aujourd’hui honte, d’avoir eu honte. Mon frère, le héros de mon enfance : athlète, trompettiste, danseur émérite, beau gosse et protecteur -de douze ans mon aîné ; dont la fierté de me trouver à ses côtés dans ma petite enfance, n’a eu d’égale que la honte que j’ai pu éprouver dans mon adolescence quand il est passé de « l’autre côté ». Celui des séjours en prison, de la violence, des enfants de plusieurs femmes différentes, bref, celui du cliché de l’homme noir. Comme de nombreuses personnes appartenant à une minorité de France, j’ai donc entrepris de devenir l’exact opposé de ce cliché. Toujours première de la classe, sportive de haut niveau, Sciences-Po Lyon juste après le bac, je travaille tout au long de mes études, tout en étant obsédée par la ponctualité et mes odeurs corporelles. Mon objectif pendant toutes ces années formatrices : être une bonne Noire, celle qui fera disparaître le racisme par son exemplarité. Mais au fond de moi, toujours cette peur de ne pas être assez, de faire un jour honte, à mon tour à mon entourage.

Derrière les Niafous, la politique de respectabilité

Lors de mon arrivée à Paris, il y a 6 ans et de ma découverte des « Niafous » dans le métro, je ressens ce même sentiment de honte. Les Niafous, ces filles noires, souvent jeunes, qui parlent et rient fort, se bousculent voire se battent sur le quai du métro, portent des tissages pas toujours bien entretenus, se maquillent trop, me rappellent mon frère : elles sont de « mauvaises » Noires. Elles contribuent à renvoyer cette image caricaturale des Noir.e.s à l’hygiène et aux moeurs douteuses, quand nous autres, les « bon.ne.s » Noir.e.s nous donnons tant de mal pour nous faire accepter par la société blanche française. Ça c’est ce que je pensais avant. Avant, quand je ne découvre le blog de Trudy, une Afro-féministe américaine et le concept de « politics of respectability » (politique de respectabilité) :

« The politics of respectability originated as cultural, sexual, domestic, employment and artistic “guidelines” or “rules” for racially marginalized groups to follow in the effort to be viewed as “human” in a White supremacist society and by individual Whites. »

« La politique de respectabilité s’est structurée autour de « lignes directrices » ou « règles » culturelles, sexuelles, domestiques, professionnelles et artistiques que des groupes raciaux marginalisés doivent s’efforcer de suivre pour être considérés comme « humains » au sein d’une société prônant la suprématie blanche. »

Ce concept, développé par Evelyn Brooks Higginbotham , a aussi pour corollaire l’idée que le comportement irresponsable d’un seul membre du groupe pourra être utilisé contre l’ensemble du groupe, empêchant ainsi son acceptation par la norme blanche et française -dans le cas des Noir.e.s de France. Et immanquablement, à chaque fois qu’un.e Noir.e fait ou dit une connerie, les Noir.e.s de France se sentent personnellement remis en question. Dès 2013, la bloggeuse pionnière de l’Afroféminisme à la française, Ms Dreydful abordait la question ainsi :

« L’attitude des « niafous » n’a pas été seulement décriée parce qu’elle sort des carcans de la norme (norme qui est souvent sexiste et raciste), mais aussi – voire surtout – parce que celle-ci serait une excuse aux discriminations raciales qu’on pourrait subir. Combien de fois j’ai pu entendre « Non mais voilà, on va se plaindre du racisme mais en même temps, regardez les niafous, quoi…On nous respectera quand on se respectera soi-même »

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Nous sommes des individus pas les « représentant.e.s » de notre Race immuable

Quand les Noir.e.s ne réagissent pas ainsi d’eux-mêmes, c’est la société qui leur demande de prendre partie. Nous sommes, par exemple, régulièrement sommé.e.s de nous dissocier de Dieudonné, Kémi Séba ou n’importe quel autre Noir.e problématique. Comme si on demandait aux Blanc.he.s de préciser qu’illes ne partagent pas les vues de Marc Dutroux, de Marine Le Pen ou de Civitas. Et pour les femmes noires, cette pression intra et extra-communautaire est décuplée. Les insultes dont Hapsatou Sy a récemment fait l’objet (« J’ai été traitée de ‘négresse de maison’, ‘de chienne de négresse' ») ont émané de la communauté noire et sont un parfait exemple de la difficulté, pour les femmes noires de naviguer entre les eaux de l’assimilationnisme et celles de la « blédardise ».

« Négresse de maison » est la version la plus péjorative d’une autre insulte courante, située à l’opposé du spectre de Niafou : Bounty (comprenez littéralement, Noire à l’extérieur, Blanche à l’intérieur). Bounty a ce seul avantage d’être une insulte unisexe alors que Niafou n’a pas d’équivalent au masculin. Être un.e Bounty, c’est avoir TROP fait sien.ne.s les codes et valeurs de la culture dominante, à savoir blanche et française. Pourtant, il n’existe pas d’essence noire, d’identité figée et immuable. Le mélange des cultures a eu lieu, il y a bien longtemps, certes à notre corps défendant, mais nous ne pouvons rien y changer. Par contre, libre à nous de créer aujourd’hui une communauté d’Afro-descendant.e.s de France, qui reflète notre hétérogénéité, d’origines, de parcours, d’appartenance de classe, de goûts, d’orientations sexuelles, d’identités de genre, etc. En tant qu’Afro-descendant.e.s de France, nous pouvons refuser de choisir entre nos origines et la France quand elle exige que les Noir.e.s se fondent dans le creuset républicain.

Les Afro-descendant.e.s piégées entre Misogynoir et assimilationisme « colorblind »

Les femmes noires sont donc simultanément victimes du patriarcat blanc français qui refuse de « voir les couleurs » et de la Misogynoir (autre concept développé par la bloggeuse Trudy). Une misogynie propre au monde Noir donc, hommes et femmes inclus, car rappelons-le, les femmes peuvent elles aussi avoir intériorisé le sexisme. Les Afro-descendant.e.s comme toutes les minorités de France sont sommées d’être de « bon.ne.s » Noir.e.s, d’adopter toutes les valeurs de la France blanche, sans exception, même quand ces dernières sont problématiques du point de vue de notre communauté. Jaurès et Victor Hugo étaient de fervents défenseurs de la colonisation, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen est rédigée alors même que l’esclavage bat encore son plein, les congés payés n’auraient vraisemblablement pas vu le jour sans l’asservissement des colonisé.e.s. Mais qu’importe, la République est une et indivisible !

Et de manière plus triviale, l’obsession sur le vin et le saucisson ou encore l’adoption d’un langage châtié pour ne pas faire « ghetto » ou de certaines attitudes afin de ne pas être trop voyant.e.s avec nos bazins et autres coiffures ethniques, continuent de maintenir une pression d’uniformisation voire de reniement de nos cultures d’origines dans l’espoir d’être reconnu.e.s par la culture dominante. Revenons ici un instant sur le cas de Boubakar Traoré. Entre 2005 et 2012, Boubakar Traoré est victime de harcèlement moral de la part de sa compagnie, Air France, qui refuse qu’il porte ses cheveux au naturel, même s’ils ne contreviennent pas au manuel régissant l’apparence du personnel navigant d’Air France. Ayant reçu le soutien de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations) en 2009 -quand celle-ci existait encore- il finit par porter l’affaire au prud’hommes. Ces derniers rendront un jugement emblématique du racisme institutionnel français:

« Les prud’hommes ont annulé les sanctions prises contre lui, mais ne reconnaissent pas la discrimination. »

Et de se demander pourquoi. Si sa coiffure est conforme au règlement, quels sont les motifs de la mise à pied et du harcèlement concernant la dite coiffure? Pourquoi le fond du problème, ses tresses et donc sa négritude ne sont pas pris en compte par les prud’hommes? Le refus de reconnaître la discrimination raciale est une bonne illustration des limites d’un universalisme républicain qui invisibilise les minorités. En faisant disparaître le mot « race » de la Constitution, la France n’a pas fait disparaître le racisme et en refusant de statuer sur la discrimination raciale, les prud’hommes signifient à la communauté noire qu’elle ne peut pas attendre des institutions une reconnaissance de ses spécificités et des discriminations qui y sont associées.

Niafou : une insulte classiste

Le terme Niafou renferme donc plusieurs questions politiques: la politique de respectabilité, le sexisme, la Mysoginoir et enfin le classisme. C’est-à-dire, une dépréciation des codes et valeurs de la classe populaire face aux normes de la classe moyenne et bourgeoise: un racisme de classe. En effet, se moquer des Niafous revient à se moquer des primo-arrivantes, ou des Noires qui n’ont pas les moyens de leurs ambitions vestimentaires et capillaires ou de celles qui s’expriment dans un « mauvais » français ou toutes ces choses à la fois. En bref, il s’agit d’un jugement porté par les Noir.e.s en quête de respectabilité qui elles/eux appartiennent souvent à la classe moyenne ou la bourgeoisie, qu’ils y soient nés ou qu’ils soient des transfuges. Un transfuge étant une personne qui par son parcours scolaire et/ou professionnel quitte la classe sociale à laquelle il/elle appartenait pour rejoindre une classe plus privilégiée.

Les Noir.e.s qui comme moi, bénéficient d’un certain nombre de privilèges : académiques, économiques, géographiques, etc. par rapport aux autres membres de leur communauté qui sont soit migrant.e.s, soit résident.e.s en banlieue et/ou appartenant aux classes populaires; soit sans-papiers ont souvent tôt fait de vouloir se dissocier des « mauvais.e.s » Noir.e.s. Et c’est cette stigmatisation des femmes noires les moins favorisées de la communauté qui est problématique. Pourquoi reprendre les valeurs du dominant à notre compte ? Pourquoi chercher à s’élever sur le dos de nos frères et de nos sœurs, au sens propre comme au sens figuré ? Pourquoi cette obsession de « l’excellence noire » ?

Derrière les Niafous, l’obsession de « l’élite noire »

« NOFI est la première plateforme d’échange, d’information, de consommation, de réseautage et de réflexion sur le quotidien de la communauté noire. Notre mission : « promouvoir l’excellence noire ».

La une du dossier du Monde magazine de mai 2014 titrait : « La nouvelle élite noire : jeunes, apolitiques, entreprenants ».

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Le terme « apolitiques » m’avait immédiatement frappé. A l’intérieur, on pouvait lire :

« Ferdinand n’est pas investi en politique. Il ne se sent ni concerné par des appels à des « réparations » pour l’esclavage, ni par les réclamations pour plus de représentativité en politique (…) Une attitude classique de cette génération. Plus soft que hard power, elle enterre, à sa manière, le militantisme des années 2000 (…) ».

Ce type d’approche de la place des minorités dans la société française est emblématique d’une autre discours très français lui aussi, qui consiste à culpabiliser les Noir.e.s « d’en bas » et que l’on pourrait résumer ainsi : ils y sont arrivés et ne se plaignent pas, pourquoi pas vous ? La victimisation est un des arguments visant à faire taire les revendications légitimes de minorités discriminées qui lorsqu’elles ne parviennent pas à la « réussite sociale » telle que déterminée par le libéralisme, sont soupçonnées d’avoir failli par manque de valeur personnelle.

L’injonction d’intégration s’est muée en injonction d’adhésion aux valeurs capitalistes et blanches. L’acceptation des Noir.e.s au sein de la société blanche française repose désormais sur leur capacité entrepreneuriale et leur apolitisme. Et il est vrai que les Noir.e.s de France commencent à avoir voix au chapitre depuis que les industries, en particulier cosmétique, ont réalisé qu’ils/elles représentaient un marché, sous, voire inexploité. Néanmoins, les Afro-descendant.e.s doivent-ils laisser le marché définir leurs attentes et leurs valeurs? Quid des chômeurs, des personnes incarcérées, des migrant.e.s, des personnes qui travaillent sans être déclarées, des travailleuses du sexe? N’existe-t-il donc pas de salut hors de l’invisibilisation des franges les plus défavorisées de notre communauté ? N’est-il pas temps qu’au sein de la communauté Afro-descendante se pose la question des conditions dans lesquelles nous souhaitons mettre fin aux discriminations dont nous sommes victimes ? Audre Lorde disait :

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« Les outils du maître ne serviront jamais à démonter sa maison. »

Le capitalisme s’est établi durablement grâce à l’esclavage et reste un système d’oppression et de domination mortifère. L’adhésion aux valeurs libérales ne représente donc pas le meilleur ou du moins le seul chemin vers l’émancipation, c’est même -selon moi- le meilleur moyen de reproduire des schémas propres à l’histoire raciste du capitalisme. Il n’y a qu’à voir cette série photo publiée la semaine dernière dans le magazine Fashziblack et critiquée fort à propos par la bloggeuse : Many Chroniques:

« Tranquillement, au calme un mag’ afro perpétue les pires stéréotypes avec ce couple d’évolués – au Kongo belge, c’était un véritable statut juridique et social qui désignait ainsi les quelques noir-e-s validés par les blancs comme assimilés – suivis pas des Africain-e-s bien foncés, en wax « tradi » au rôle immuable d’inférieurs, serviteurs, porteurs – ‪#‎LAFATIGUANCE‬ encore plus lorsque ça vient des nôtres ! »

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Libre à nous de choisir de valoriser aussi, les enseignants, les travailleurs sociaux, les chercheurs, les employés, les fonctionnaires, les artistes, etc.  En effet, le militantisme et/ou la colère ne sont pas le dernier recours de « losers » qui cherchent à blâmer les autres pour leurs échecs, mais bien des outils pour les dominé.e.s afin de mettre en lumière et de combattre le racisme et le sexisme, entre autres oppressions.

« Car il n’est pas facile, contrairement à ce que l’on croit, d’être et surtout de rester en colère. C’est un état douloureux ; car rester en colère, c’est nous souvenir sans cesse de ce que nous voulons, de ce que nous devons oublier au moins par moment pour pouvoir survivre : que nous sommes, nous aussi des humiliées et des offensées. Mais pour nous (…) l’oublier, ne fût-ce qu’un instant, c’est abandonner le fil qui nous relie à notre classe (…), le garde-fou qui nous empêche de basculer du côté de l’institution, du côté de nos oppresseurs. Nous avons tendance à voir la colère comme un moment dépassable en sus d’être un sentiment désagréable ; comme quelque chose de temporaire, qui cesse à un moment d’être utile (…) Or, notre seule arme contre la trahison potentielle inscrite dans notre statut d’intellectuelles, c’est précisément notre colère. Car seule garantie que nous ne serons pas, en tant qu’intellectuelles, traîtres à notre classe, c’est la conscience d’être, nous aussi des femmes, d’être celles-là mêmes dont nous analysons l’oppression. La seule base de cette conscience c’est notre révolte. Et la seule assise de notre révolte, c’est notre colère. »

― Christine Delphy, L’ennemi Principal

Nous n’avons pas les mêmes valeurs (ni le même humour)

Face aux discriminations, la colère est légitime et l’agacement face à l’humour douteux aussi. Voici un autre exemple récent : la dernière campagne de pub de France Ô. Le problème de cette campagne d’affichage va bien au-delà de la démarche antinomique qui consiste à réutiliser les clichés dans le but de les remettre en cause. En effet, cette stratégie n’est efficace que quand elle part de la société civile et des personnes discriminées -comme aux Etats-Unis, dans le cas des Sluts Walks, littéralement « marches de salopes » où des femmes insultées dans les médias par des hommes politiques étaient descendues dans la rue pour revendiquer le droit à la contraception. Mais quand l’institution télévisuelle emploie la même stratégie pour questionner le racisme, elle ne fait que renforcer les dits clichés.

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D’ailleurs, tout le monde serait choqué si une affiche titrait: « Je ne suis pas folle » accompagnant la photo d’un homme efféminé dans le but de lutter contre l’homophobie. Cette campagne est d’autant plus problématique quand on réalise que seules les présentateurs-trices non-Blanc.he.s sont essentialisé.e.s.

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En effet, lorsque l’on voit toutes les photos côte à côte, on comprend que contrairement aux Blanc.he.s présenté.e.s uniquement au travers de leurs émissions; les Noir.e.s, avant d’être des professionnel.le.s, sont des Noir.e.s, identité et fonction. Le plus incroyable reste que cette idée fut validée par tous les échelons de la hiérarchie de France Télévision, puis réalisée, puis diffusée, sans que personne ne s’aperçoive de la nature incroyablement raciste de cette campagne. On aurait aussi pu attendre des personnes mises en scène une réaction : plainte aux prud’hommes, démissions, déclarations publiques, mais non. En dehors des réseaux sociaux, rien.

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Ce n’est donc pas en attendant que les personnes au pouvoir changent de regard sur nous que l’on peut changer la façon dont nous sommes représenté.e.s, mais bien en prenant nous-mêmes des mégaphones, des pancartes, de stylos, des pinceaux, des micros et des caméras pour raconter notre Histoire, toutes nos histoires, telles que nous les vivons de l’intérieur.

Il est aussi nécessaire de ne plus se laisser effrayer par l’épouvantail du communautarisme qui rappelons-le ne concerne que les non-Blanc.hes. A ce jour, en dehors de Sihame Assbague, du Collectif Stop Le Contrôle Au Faciès, qui a interpellé Alain Juppé à propos du racisme structurel et de la pertinence de sa représentativité en tant qu’homme blanc de plus de 60 ans, quasiment personne ne dénonce le communautarisme qui sévit à l’Assemblée Nationale.

Le communautarisme  et le militantisme sont donc des possibilités pour la communauté noire de se donner à voir tel.le.s qu’on aimerait être vu.e.s, d’inverser le rapport de pouvoir afin d’influencer le regard qui est porté sur nous. En tant qu’Afro-descendant.e.s de France nous sommes légitimes et en mesure de fixer les conditions de notre représentation et de notre émancipation et ce, sans avoir à se référer à la norme blanche.

Noires et sans complexes

Nous n’avons pas à nous contenter des améliorations passées de notre condition. Les Afro-descendant.e.s sont toujours victimes du racisme systémique, du patriarcat, de l’hétéronormativité, de la précarité économique et de discriminations et de violences en tous genres. Ne pouvons-nous pas trouver des formes d’humour qui ne stigmatisent pas les membres les moins favorisés de notre communauté ? Les revendications élitistes, qui au prétexte de faire sauter le « plafond de verre » ne cherchent pas à s’intéresser à la majorité engluée sur le « plancher collant » ne permettent pas une remise en question des dynamiques de pouvoir. Le ou La Noir.e d’exception ont toujours existé dans l’Histoire de France et jusqu’à aujourd’hui, ces réussites individuelles n’ont jamais permis d’éradiquer les discriminations endémiques. La réussite telle qu’elle est présentée et valorisée aujourd’hui est celle qui consiste à se détourner du reste de notre communauté à la minute où l’on commence à bénéficier de privilèges.

A mon sens, l’enjeu est désormais le suivant : souhaitons-nous devenir de « bon.ne.s » Noir.e.s accepté.e.s individuellement par le système ou souhaitons-nous voir la communauté noire de France dans son ensemble conquérir des droits et s’affirmer dans la joie ? Audre Lorde, toujours, disait aussi :

« If I didn’t define myself for myself, I would be crushed into other people’s fantasies of me and eaten alive. »

« Si je ne m’étais pas définie par moi-même et pour moi-même, j’aurai été écrasée et dévorée par les fantasmes que les autres avaient de moi. »

―  Zami : A new Spelling for my name

A titre personnel, j’ai donc choisi de voir les Niafous pour ce qu’elle sont : une façon d’être « unapologetically Black », à savoir « Noires et sans complexes». Il y a peut-être des enseignements à tirer de leur façon de ne pas s’excuser d’être là et d’occuper l’espace public. Elles sont Noires, à leurs conditions et nous pouvons choisir de les imiter, à notre façon, en commençant par ne pas culpabiliser celles et ceux qui choisissent de s’affirmer en leurs propres termes. Niafou is the new punk, prenons-en de la graine.

« Un corps c’est tout un monde »

Header: copyright Christian Scholz

(NOTE CONTEXTUELLE DE L’AUTEURE DU BLOG : Ce jeudi 6 février 2015, débutait sur Slate.fr mon dossier en trois volets intitulé: « Le discours sur l’excision doit changer: http://m.slate.fr/story/97657/discours-excision-changer « . Le lendemain paraissait le texte/témoignage de Kadiatou, intitulé:  » Être excisée et jouir, c’est possible: http://www.slate.fr/story/97699/excision-plaisir « . Troisième et dernier volet, aujourd’hui avec le texte d’Ami. LA PAROLE DES FEMMES NOIRES EXISTE ET NE SERA PLUS RÉDUITE AU SILENCE)

Je me lave le matin, je me regarde dans la glace, je vais travailler, je vois mes amis, on discute et je n’y pense pas. Il peut se passer des jours et des mois sans que j’y pense. Si je ne tombe pas sur un film, un article ou une personne qui y fait allusion, je n’y pense pas. J’oublie que j’ai été mutilée. Ça ne veut pas dire que je le rejette mais ça fait partie de moi, autant partie de moi que le grain de beauté que j’ai entre mes deux seins. C’est intime. J’ai l’impression que les gens pensent que je me lève le matin, et que je me couche obsédée par cette mutilation. Ça fait presque 20 ans maintenant.

Longtemps, avant d’avoir ma première relation sexuelle, qui est arrivée tard, j’ai eu peur de la réaction qu’allait avoir l’autre. Devoir tout lui raconter et qu’il juge ma famille, mais j’ai eu de la chance, ça n’a pas été le cas. L’autre m’a dit « oui et alors ? Un corps, c’est tout un monde. T’as pas à te justifier. Ça fait partie de toi ». Et du coup, je me dis que oui, j’ai une histoire personnelle mais comme tout le monde. Chacun traîne des cicatrices de sa vie. OK, la mienne est une cicatrice imposante mais visible que par moi et l’autre.

Mais ça n’a pas été toujours aussi simple. Quand tu lis la presse féminine étant jeune fille et vierge et que tu tombes sur des articles du type « les femmes sont principalement clitoridiennes ». La masturbation, tu te dis que ça sert à rien et tu te découvres pas. Avant, je regardais beaucoup de films porno pour voir ce qui me manquait parce que je ne savais pas à qui en parler. J’ai de la chance, ils m’ont raté. Je remercie l’autre qui m’a réconcilié avec mon sexe, qui a été longtemps à l’abandon. Aujourd’hui, comme dans tous les couples, je discute et je guide mon compagnon sur ce qui m’excite et ce qui me donne du plaisir, grâce à la patience et la confiance.

La pire des expériences, ça a été celle avec un gynécologue. J’ai cru que j’allais le frapper, il a commencé à me dire « oh la la la quelle horreur ! Des malades, c’est honteux ». Je me suis dit mais il est fou, il sait même pas à qui il a affaire, j’aurai pu être fragile à cette période-là, me laisser aller, pleurer, me sentir diminuée. Ces malades, malgré tout, c’est de ma famille dont il parlait. Heureusement que j’étais solide ce jour là. Et j’ai compris pourquoi, j’avais tant reculé avant d’y aller : ne pas me confronter à la pitié. J’ai besoin de la pitié de personne. Y’a même pas de pitié à avoir.

Avant, je disais : « je vais tout faire pour être riche, et me faire reconstruire », mais en fait non. Je pense que je le disais, inconsciemment, pour rassurer les autres à qui je l’avais dit. Je voulais d’une certaine manière leur dire, vous inquiétez pas, je suis d’accord avec vous, vous avez raison, c’est moche à voir, je vais me faire justice et punir ces barbares en me reconstruisant mais en fait non.

Je vis avec ma mutilation, je suis passée au dessus d’elle. Elle fait partie de moi.

Ami (prénom d’emprunt)

Vous êtes Charlie

Hier (texte publié le 8 janvier 2015 sur FB et repris ici), une amie militante s’est rendue au rassemblement et voici ce qu’elle a pu lire:

« Au-delà des pancartes islamophobes et des Femen qui tentent de brûler le Coran, les mêmes conversations dans toutes les bouches : « je note qu’il n’y a pas de noirs, ils ne font vraiment pas d’effort… » ou encore « tu vois, elles ne sont pas là les autres là, avec leurs voiles…c’est pas comme ça qu’elles vont réussir à lutter contre l’Islamophobie », ou mieux « on n’est qu’entre blanc quand même, c’est scandaleux ».
Et c’est effectivement le cœur du problème de ce à quoi nous assistons depuis hier: la révélation au grand jour de la rupture sociale/raciale dans ce pays.

Et de me demander ce que je penserai si j’étais Blanc.he. Un peu comme lors d’une rupture amoureuse. Je pourrai me dire que tout est de la faute de l’Autre, que j’étais absolument parfaite et sans reproche et que ma/mon ancien.ne partenaire m’a quitté car ille n’a pas de coeur, qu’ille était le diable et que je suis bien mieux sans. Je pourrai appeler à l’Union Nationale, qui serait soudainement censée gommer des années où sous couvert de satire, Charlie a tiré à boulets rouges sur les nègres et les musulmans. Je pourrai prétendre que la satire de l’Eglise catholique a toujours la même portée contestataire que dans les années 70 et donc balayer d’un revers de main les critiques pointant l’Islamophobie du journal, au titre que l’on peut rire de tout.

Mais comme très souvent, n’étant pas Blanc.he, je remarque que ce sont toujours les mêmes qui sont blessé.e.s par un certain humour: les femmes, les Noir.e.s, les Arabes, les musulman.e.s, les putes, les LGBT, bref les « minorités », les dominé.e.s. Or, la satire ne vise-t-elle pas à attaquer le pouvoir? L’humour, s’il contribue à enfoncer les plus faibles et les plus exposé.e.s doit-il vraiment être défendu à tout prix?

Bien sûr, si j’étais un Homme Blanc Cis Hétéro, je ne ferai quasiment jamais l’objet de ce genre d’attaques, il me serait donc plus difficile peut-être de faire preuve d’empathie, vis-à-vis de celleux qui ont compris que l’Etat français ne les considèreraient jamais comme des citoyen.ne.s à part entière. Si j’étais Blanc.he, je ne comprendrai peut-être pas la distance avec laquelle certain.e.s non-Blanc.he.s ont accueilli le drame d’hier. Peut-être parce que si j’étais Blanc.he, la journée d’hier m’aurait forcé à voir ce que les non-Blanc.he.s savent et débattent depuis déjà longtemps: la faillite du mythe de la République une et indivisible.

Néanmoins, si j’étais Blanc.he, une fois le choc et la colère passés, je pourrai choisir de réagir en adulte, d’accepter que nos chemins se sont tellement éloignés que nous en sommes arrivés à la rupture. Et je pourrai faire le choix de me demander quelle part j’ai joué dans ce divorce.

Et c’est cette dimension rationnelle qui me semble cruellement manquer dans le traitement médiatique. Car oui, la foule peut être dans l’émotion et les raccourcis malvenus, mais les intellectuels, les journalistes -et ce, même si leur corporation a été attaquée- ne doivent pas cesser leur travail. Ne doivent pas cesser de réfléchir. L’analyse NE DOIT PAS ATTENDRE. L’heure de la rationalité a sonné, car elle seule peut nous empêcher de continuer sur une voie mortifère. Elle seule peut nous empêcher de reproduire les erreurs du passé. Où sont-illes les commenta-teurs-trices amusé.e.s voire méprisant.e.s qui regardaient les Américain.e.s se faire manipuler par FoxNews et George Bush après le 11 septembre? Où sont les interrogations sur la notion même de « vivre-ensemble » dans un pays qui refuse catégoriquement de se confronter à son histoire esclavagiste et coloniale? De se confronter à son racisme et son sexisme systémiques? A son népotisme et sa violence de classes? Qui, s’interroge sur ces « minorités » éduqué.e.s et militant.e.s qui viennent gonfler les rangs de l’immigration au Canada et ailleurs? Moi, en tête de peloton des candidat.e.s à l’immigration.

On m’a beaucoup reproché de ne pas prendre le temps du deuil. Je sais désormais pourquoi: il y a longtemps que j’ai vécu la fusillade qui a eu lieu dans les locaux de Charlie Hebdo ce mercredi 7 janvier 2015. Tellement longtemps que j’ai depuis cessé de pleurer et essayé de comprendre, de déconstruire le drame qui a débuté il y a plus de 400 ans. J’écris et fais mon film pour ne pas devenir folle et ne pas sombrer en attendant mes papiers. J’écris aussi pour celleux qui, moins privilégié.e.s ne pourront pas quitter ce pays, car je suis terrifiée pour les musulman.e.s et les non-Blanc.he.s en général, à l’idée de la merde à venir.

Si j’avais été Blanc.he, je n’écrirai pas ça. Mais je suis Noir.e et l’illustration de ce qui ne fonctionne pas dans ce pays. Je refuse donc l’Union Nationale -à savoir le silence- dans une Nation qui ne me reconnait pas et je choisis l’analyse et le débat. C’est aussi ça la liberté d’expression.

!!! JUSTE UNE MISE AU POINT: LE RETOUR !!!

Comme le disait le grand philosophe Spiderman: « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » Je reconnais donc avoir fait le choix conscient de prendre une parole publique sur des questions politiques et d’accepter ce qui va avec:

Capture d’écran_White Troll_Xtrm Droite

Capture d’écran_BabToutou

(ou encore les mails-fleuves de gentils anti-racistes qui ne gagnent que 2000euros par mois et travaillent avec des jeunes de banlieue, donc même s’ils sont Blanc.he.s, leur vie n’est pas facile non plus, etc, etc.) Je prends toute cette merde, j’y étais préparée et comme dirait l’autre: c’est le jeu ma pauvre Lucette. Mais cette conversation que j’ai depuis déjà un moment avec les copines bloggeuses vient de gagner son droit de cité, en public:

TOUTE MON ACTIVITÉ RELÈVE DÉJÀ DE LA PÉDAGOGIE ET CES CONNAISSANCES JE LES AI ACQUISES. ELLES SONT LE FRUIT D’ANNÉES D’ÉTUDES, DE LECTURES ET DE VISIONNAGES DE FILMS. JE NE VOUS DOIS RIEN DE PLUS QUE CE QUE J’AI DÉJÀ ACCOMPLI ET SI JE DISPARAISSAIS DES ONDES DEMAIN J’EN AURAI DÉJÀ FAIT PLUS QU’UN BON NOMBRE DE MES CONCITOYEN.NE.S.

Par conséquent, si je conchie le classisme de certain.e.s militant.e.s et/ou intellectuel.le.s qui s’évertuent à se rendre incompréhensible pour montrer comme illes sont brillant.e.s et que je fais donc l’effort de transmettre ce que j’ai DUREMENT acquis. Je refuse tout autant l’attitude des personnes qui pensent que tout leur est dû et qui m’envoient des MP pour que je leur explique la vie et comble du nombrilisme, s’agacent quand je ne réponds pas assez vite! Un rapide topo sur mes activités donc (en dehors du fait que comme tout-un-chacun.e, j’ai aussi une vie privée, mais si, mais si) :

Je précise aussi que la seule activité rémunérée dans celles que j’ai énoncées ci-dessus c’est Slate (quand j’écris des articles -pas les tribunes- et que je suis payée 150euros brut, quelle que soit la longueur de l’article et/ou le temps que j’ai mis à le rédiger). Je bossais à temps plein dans un resto jusqu’à fin décembre et là j’ai arrêté car je ne peux plus tout faire en même temps. Encore une fois, il ne s’agit pas de vous faire pleurer dans les chaumières, Slate est une super opportunité. D’ailleurs, pour celleux d’entre vous qui ne connaissent pas le milieu journalistique, le prix de la pige chez Slate est dans la fourchette haute de ce qui se fait dans les médias en ligne. J’ai choisi l’indépendance et une carrière artistique, ça a un coût que j’assume.

MAIS si je donne déjà beaucoup de mon temps, de mon énergie et de l’argent -que je n’ai pas- à la communauté, parce que j’en ai décidé ainsi ; j’entends encore moins me faire emmerder par des personnes qui ne font pas le 1/3 du 1/4 des efforts pour DÉJÀ: s’éduquer elleux-mêmes! En 2015, vous n’avez pas d’excuses! Il y a Internet, les bibliothèques, les radios, donc même sans argent et même si vous courez partout -comme moi- il y a toujours moyen de lire un article ou écouter une émission. Vous ne savez pas où chercher, commencez par le plus accessible les blogs et les radios et si après tout ça, vous avez encore des questions, alors oui, je serai ravie de vous éclairer.

Emissions radios:

MAIS SURTOUT SURTOUT NE VENEZ PAS ME DEMANDER DE FAIRE LE TRAVAIL A VOTRE PLACE. VOUS SEREZ MAL REÇU.E.S OU TOUT SIMPLEMENT IGNORÉES.

Nous savons tou.te.s, au fond, que lorsque nous recevons des messages exigeant des explications, ils émanent de personnes qui pensent qu’on a que ça à foutre de leur prémâcher les années de boulot qui sont à la base de nos réflexions. Et ça, ça s’arrête aujourd’hui. Dernière précision: je sais EXACTEMENT ce que je vaux. Reprendre mes idées sans me citer n’est ni un hommage, ni une faveur, c’est de la réappropriation voire du plagiat. Je suis encore fauchée, mais prenez garde, un jour ce ne sera plus le cas et ce jour-là, je m’abattrai sur vous avec tout l’appareil juridique adéquat; il est donc encore temps de rendre à Cléopatra Jones ce qui lui appartient.

A bon entendeur,

Signé: une Afroféministe sympa mais faut pas trop pousser quand même.

Oh et bonne année. Et la santé surtout.

JUSTE UNE MISE AU POINT

Ceci est un blog personnel au sens de « personal is political ».

En effet, je considère qu’en tant que privilégiée qui grandit avec Internet, il serait dommage de ne pas utiliser un tel outil d’auto-éducation et d’émulation entre personnes de bonne volonté. J’utilise le terme émulation car je crois à la responsabilité individuelle donc je ne suis pas là pour FAIRE VOTRE éducation, mais partager et échanger des points de vue afin d’enrichir mutuellement nos réflexions. Et c’est donc la question des modalités des dits échanges que j’entends préciser ici. A compter d’aujourd’hui, je me réserve le droit d’effacer les commentaires que je jugerai déplacés de par leur contenu politique et/ou le ton employé. Je me réserve aussi le droit de ne pas vous répondre en MP. Je n’ai pas le temps pour m’engager dans des conversations stériles car je ne cherche pas à convaincre, je cherche tout court. De plus, je ne tolère ni la condescendance, ni le « mansplaining » , ni la malhonnêteté intellectuelle dans le monde réel, il n’y a donc aucune raison que je les accepte dans le monde virtuel, même au nom de la liberté d’expression.

Maintenant je vais vous dire qui je suis et vous aider à me situer politiquement, ainsi vous serez libres de me suivre ou non, en connaissance de cause : Je suis une Femme Cis Noire Pansexuelle Afroféministe Matérialiste Décoloniale et Agnostique. Je lutte contre l’impérialisme, le sexisme, les LGBTphobies, le racisme et toutes leurs manifestations, y compris quand je ne suis pas directement concernée dans le cas de l’islamophobie ou de l’antisémitisme par exemple. Je passe beaucoup de temps à lire et réfléchir et me tromper et recommencer jusqu’à ce que mes positions s’alignent d’une façon qui me semble cohérente. Et quand je me trompe, je le dis car contrairement aux personnes qui ne sont pas en mesure de dissocier « critique d’un propos/d’une prise de position » et « attaque personnelle », je sais que j’apprends plus de mes erreurs et qu’elles ne font pas de moi une mauvaise personne. Un exemple : j’ai milité un temps au sein d’Osez Le Féminisme qui est une association féministe que l’on pourrait qualifier de traditionnelle car la grande majorité des membres sont Blanc-he-s et la ligne de l’association est, entre autres, abolitionniste -en rapport à la prostitution- et néocoloniale -contre le port du voile. Ce fut l’erreur la plus productive de ma vie car avec le recul, il me semble fou que je n’ai pas réalisé à l’époque ce que le fait de parler à la place des femmes musulmanes et des travailleuses du sexe comportait de maternaliste et de condescendant justement. J’ai beaucoup lu et réfléchi depuis et suis très heureuse d’avoir compris que je me fourvoyais.

Les luttes intersectionnelles se font dans le respect de chacun-e-s et dans un esprit de collaboration horizontal, pas dans cette bonne vieille tradition coloniale où les bourgeoises blanches viennent éduquer et sauver des femmes contre leur gré et en leur confisquant la parole. Et comme je passe BEAUCOUP de temps à réfléchir, justement, je refuse de m’engager dans des débats « bas du Front » car à l’heure de Wikipédia et du libre accès à la connaissance, vous n’avez pas d’excuses. Pas d’excuses pour ne pas être capable de faire la différence entre antisionisme et antisémitisme, car le simple fait d’essentialiser et assimiler l’ensemble de la communauté juive à la doctrine sioniste fait de vous les premiers antisémites. Pas d’excuses pour continuer à défendre les propos de mystificateurs de la trempe de Dieudonné et Soral qui emploient la stratégie de la concurrence des victimes à des fins commerciales, tout en se présentant comme les défenseurs des opprimés qui leur servent de vaches à lait. Pas d’excuses, pour gober ce que vous dit la presse et le JT sans chercher à questionner leur angle, à examiner les sujets promus et les sujets occultés. Pas d’excuses pour votre ignorance car les informations, pas les actualités, les IN-FOR-MA-TIONS, celles qui vous permettent de mieux comprendre le monde, les rouages du pouvoir, les répétitions de l’histoire, les stratégies d’effacement ou de promotion des mémoires, bref le monde dans lequel nous vivons, sont là, à un clic de souris.

Encore faut-il se donner la peine; si vous ne le faites pas c’est votre responsabilité. Et moi, je n’ai pas de temps à perdre avec votre ignorance et vos approximations: demain, je serai morte et j’entends bien passer le temps qu’il me reste en bonne compagnie. J’ai néanmoins pris le temps d’écrire ce texte pour que vous ne soyez pas surpris-e-s si un jour vous ne me trouvez plus dans vos contacts, ou si j’efface vos commentaires. Maintenant vous saurez pourquoi. Comme le disait un certain Jacques : « J’aime pas les cons parce qu’ils sont paresseux ».

A bon entendeur, salut.