La Parole des Afro-descendantes: entre paternalisme, confiscation et réappropriation

Petit retour sur l’événement du 23 février 2015 en photos  (un grand merci à Harmély pour ces clichés et à Styve pour la vidéo)

Dans le cadre de la Semaine Anticoloniale et Antiraciste, nous avons organisé une conférence-débat, Aux petits joueurs (Paris 19) autour d’OUVRIR LA VOIX. Ouvrir La Voix est un film documentaire Afroféministe, matérialiste et intersectionnel qui s’intéresse aux Afro-descendantes d’Europe francophone. Sa sortie publique est prévue pour l’automne 2015. La journée du 23 février a été rendue possible grâce à l’investissement sur plusieurs semaines de toutes ces merveilleuses personnes:

Cloud Soirée 23:02

Nous commençâmes donc la préparation du lieu ( Aux Petits Joueurs) la veille car il fallait stocker les pâtes à pizza pour le lendemain soir, déposer le matériel technique, etc, etc. Le jour J, nous étions une petite équipe (2 en cuisine ; 4 en salle) pour installer la signalétique, organiser le lieu, faire les tests de projection…

OLV_23022015_Mise en place de la Salle_1OLV_23022015_Mise en place de la Salle_2 Les premiers rangs étaient réservés aux participantes du film sans qui toute cette aventure n’aurait pas pu avoir lieu!

Team Pizza_1

La #TeamPizza

Vint ensuite le moment d’installer la « Table Associative » car étaient aussi invitées des associations/librairies abordant les thématiques qui seraient discutées dans la soirée:

Stand Asso_Parlons Des Femmes NoiresStand Asso_DollyStud Stand Asso_Fuk The NameStand Asso_Librairie Tamery

Plus tard, le stand rayonnait de la présence de toutes ces Afro-descendantes engagées, car il est toujours bon de rappeler que tout est politique, de la lecture au militantisme en passant pas les soirées lesbiennes en non-mixité!

Stand Asso_3 Stand Asso_2 Stand Asso_1

Notre briefing d’avant ouverture des portes n’avait pas commencé que les premières personnes arrivaient. Si on m’avait dit quelques mois plus tôt qu’une soirée projection-débat Afro-féministe, un lundi soir de février, en France, serait blindée, j’aurai ri aux éclats. Et pourtant, dès 18h15, les premières personnes arrivaient et lors de l’ouverture officielle des portes à 19h, la sièges furent remplis, d’un coup, d’un seul. J’étais médusée. Nous dûmes même refuser du monde, car passé un certain stade, la capacité de la salle pour maintenir une qualité d’écoute et une sécurité en cas de problème avait atteint sa limite. Près d’un mois plus tard, je ne m’en remets toujours pas!

19h05: fin des places assises

19h05: fin des places assises

20h10 : fin de la présentation de la semaine Anticoloniale et Antiraciste par Gisèle de SDC. On approche de la capacité maximale de la salle.

20h10 : fin de la présentation de la semaine Anticoloniale et Antiraciste par Gisèle de SDC. On approche de la capacité maximale de la salle.

Aux alentours de 20h30, nous cesserons les entrées car nous sommes entre 150 et 200 personnes et bien que le bar soit grand, c’est tout de même un peu beaucoup.  Bref, la partie discussion de la soirée avec des intervenantes de choc, appartenant à la constellation Afroféministe belgo-française, peut donc commencer:

et moi-même parlerons pendant une heure de sujets aussi divers que les féminismes, l’intersectionnalité, le racisme de gauche, les identités Afropéennes, les LGBTQIAphobies, les rapports de classe, le validisme (Ici un Storify du live-tweet)

De gche à dte: Mrs Roots. Many Chroniques. Dictat Indignés. #3IsAMagicNumber

De gche à dte: Mrs Roots. Many Chroniques. Dictat Indignés.

De dte à gche: Po Lomami. Ndella Paye. Amandine Gay

De dte à gche: Po Lomami. Ndella Paye. Amandine Gay

Un extrait du documentaire #OuvrirLaVOix

Un extrait du documentaire
#OuvrirLaVoix

Le moment des questions de la salle fut lui aussi très émouvant et enrichissant, même si nous aurions aimé avoir le temps de répondre à toutes les questions, mais les pizzas et le booty shake attendaient, alors ce sera pour une prochaine fois!

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Je n’ai pas de mots pour décrire la joie que fut pour moi cet événement. Ma plus grande fierté restera d’avoir réussi à remplir une pièce d’Afro-descendant.e.s venu.e.s s’exprimer sur les sujets qui les concerne!

Je remercie encore chaleureusement toutes les personnes qui se sont investies, qui se sont déplacées et qui suivent et soutiennent notre travail et nos actions.

Si ce récit en photos vous a laissé sur votre faim, vous pouvez regarder la discussion et les extraits du film ( à 13:32 puis 48:20 puis 1:15:24) ici : http://www.ouvrirlavoixlefilm.fr/

« Un corps c’est tout un monde »

Header: copyright Christian Scholz

(NOTE CONTEXTUELLE DE L’AUTEURE DU BLOG : Ce jeudi 6 février 2015, débutait sur Slate.fr mon dossier en trois volets intitulé: « Le discours sur l’excision doit changer: http://m.slate.fr/story/97657/discours-excision-changer « . Le lendemain paraissait le texte/témoignage de Kadiatou, intitulé:  » Être excisée et jouir, c’est possible: http://www.slate.fr/story/97699/excision-plaisir « . Troisième et dernier volet, aujourd’hui avec le texte d’Ami. LA PAROLE DES FEMMES NOIRES EXISTE ET NE SERA PLUS RÉDUITE AU SILENCE)

Je me lave le matin, je me regarde dans la glace, je vais travailler, je vois mes amis, on discute et je n’y pense pas. Il peut se passer des jours et des mois sans que j’y pense. Si je ne tombe pas sur un film, un article ou une personne qui y fait allusion, je n’y pense pas. J’oublie que j’ai été mutilée. Ça ne veut pas dire que je le rejette mais ça fait partie de moi, autant partie de moi que le grain de beauté que j’ai entre mes deux seins. C’est intime. J’ai l’impression que les gens pensent que je me lève le matin, et que je me couche obsédée par cette mutilation. Ça fait presque 20 ans maintenant.

Longtemps, avant d’avoir ma première relation sexuelle, qui est arrivée tard, j’ai eu peur de la réaction qu’allait avoir l’autre. Devoir tout lui raconter et qu’il juge ma famille, mais j’ai eu de la chance, ça n’a pas été le cas. L’autre m’a dit « oui et alors ? Un corps, c’est tout un monde. T’as pas à te justifier. Ça fait partie de toi ». Et du coup, je me dis que oui, j’ai une histoire personnelle mais comme tout le monde. Chacun traîne des cicatrices de sa vie. OK, la mienne est une cicatrice imposante mais visible que par moi et l’autre.

Mais ça n’a pas été toujours aussi simple. Quand tu lis la presse féminine étant jeune fille et vierge et que tu tombes sur des articles du type « les femmes sont principalement clitoridiennes ». La masturbation, tu te dis que ça sert à rien et tu te découvres pas. Avant, je regardais beaucoup de films porno pour voir ce qui me manquait parce que je ne savais pas à qui en parler. J’ai de la chance, ils m’ont raté. Je remercie l’autre qui m’a réconcilié avec mon sexe, qui a été longtemps à l’abandon. Aujourd’hui, comme dans tous les couples, je discute et je guide mon compagnon sur ce qui m’excite et ce qui me donne du plaisir, grâce à la patience et la confiance.

La pire des expériences, ça a été celle avec un gynécologue. J’ai cru que j’allais le frapper, il a commencé à me dire « oh la la la quelle horreur ! Des malades, c’est honteux ». Je me suis dit mais il est fou, il sait même pas à qui il a affaire, j’aurai pu être fragile à cette période-là, me laisser aller, pleurer, me sentir diminuée. Ces malades, malgré tout, c’est de ma famille dont il parlait. Heureusement que j’étais solide ce jour là. Et j’ai compris pourquoi, j’avais tant reculé avant d’y aller : ne pas me confronter à la pitié. J’ai besoin de la pitié de personne. Y’a même pas de pitié à avoir.

Avant, je disais : « je vais tout faire pour être riche, et me faire reconstruire », mais en fait non. Je pense que je le disais, inconsciemment, pour rassurer les autres à qui je l’avais dit. Je voulais d’une certaine manière leur dire, vous inquiétez pas, je suis d’accord avec vous, vous avez raison, c’est moche à voir, je vais me faire justice et punir ces barbares en me reconstruisant mais en fait non.

Je vis avec ma mutilation, je suis passée au dessus d’elle. Elle fait partie de moi.

Ami (prénom d’emprunt)